« Connaître signifie connaître avec certitudes des objets, donc suivant les sciences : il n'y aurait de certitude qu'affirmative et scientifique. Le reste, ce qui se dit ailleurs, en philosophie ou littérature, n'apporterait aucune certitude. Voilà ce que nous tenons tous, spontanément, pour allant de soi. Ce livre veut la mettre en question. Car précisément une question, à condition qu'elle ait un sens, peut aboutir à une certitude, pourvu que nous comprenions pourquoi et comment elle doit rester sans réponse. Les questions sans réponses donnent aussi des certitudes, mais des certitudes négatives. Ainsi ne doit-il pas y avoir de réponse à la question sur la définition de l'homme – car définir l'homme aboutit toujours à en finir avec certains hommes. Ainsi la question de Dieu survit-elle à tout argument sur l'impossibilité de l'expérience de Dieu, précisément, parce que Dieu, par hypothèse, concerne ce qui nous reste impossible. Ainsi le don, et ce qui le confirme par redondance, le pardon et le sacrifice, n'admet-il aucune condition de possibilité, précisément parce qu'il transcende l'économie des échanges. Ainsi l'événement advient sans aucune prévision et contre toute attente, parce qu'il ne pourra jamais devenir l'objet d'une compréhension exhaustive, comme un objet ou un spectacle. Il se pourrait que ces certitudes négatives, qu'aucune théorie ou expérience à venir ne viendront corriger ou invalider, nous offrent infiniment plus de certitude que toute autre. »