Merveille, présage, signe du destin, acte de Dieu ? Dans la mémoire collective, Chang et Eng, nés reliés par la poitrine, sont des monstres. A leur naissance en 1811, dans la famille d'un pêcheur illettré au coeur de l'ancien royaume de Siam, les accoucheuses s'enfuient en hurlant. Condamnés à mort, ils réussissent à échapper à cette funeste fin. Lorsque, dix-sept ans plus tard, leur monde s'écroule sous le passage d'un typhon, leur mère les vend pour trois cents livres à un trafiquant d'opium qui les mène en Europe et les exhibe dans les cours royales, dans les salons à la mode. Ces deux frères qui pour survivre doivent s'entendre pour tous les actes de la vie : lorsque l'un tombe amoureux, et l'autre malade, tous deux vont cesser d'intéresser les foules. Paris puis Londres abritent bientôt leur misère et leur déchéance dans les recoins les plus mal famés, avant qu'un certain Barnum ne les recueille et les fasse découvrir, comme phénomènes de foire, au Nouveau Monde. Là, délaissant le cirque, les deux frères s'installent en Caroline du Nord et tentent de se construire une vie sereine de riches propriétaires terriens, épousant deux soeurs, ils conçoivent à eux deux vingt et un enfants, qu'ils élèvent après avoir traversé un crise morale sans précédent où l'un des frères faillit perdre la vie dans la bagarre. La guerre de Sécession vient briser ce fragile équilibre et mettre à l'épreuve le lien fraternel, le lien du sang, parmi les décombres des champs de bataille. Le destin défaira-t-il ce que la nature a irrémédiablement uni ? Après Mark Twain et Herman Melville, Mark Slouka se plonge dans le destin de deux êtres en harmonie ou en conflit, dont l'union forcée, la dualité, fait naître un récit passionnant au style somptueux. Le romancier bouscule la géographie d'un texte classique pour offrir un point de vue sensible sur la confusion au sein de l'entité, entre rupture et lien inaltérable.