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Encore heureux qu'on va vers l'été

Christiane Rochefort

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Parce que la maîtresse de français, débutante, de cette cinquième D' de banlieue, leur a rappelé pour la troisième fois qu'ils étaient des échecs, tous les enfants de la classe se lèvent, sortent de l'école et s'en vont dans la campagne. L'incident n'est pas local. Partout des enfants manquent à l'appel. Il faut se rendre à l'évidence : c'est une épidémie. L'école buissonnière généralisée. Les enfants fuient de partout, l'école est une passoire. Les journaux titrent : " Une hémorragie d'enfants ".

Régina, Grâce, le sublime David, et leur chien Mignon, les six Chevaliers Errants, les deux Maudites, les jumeaux miroirs, Pierre et Jacques, et le petit Paul qui ont saccagé leur école, les Amoureux et leur ange gardien Louise, Lucrèce qui est folle - les quelque vingt-cinq qui se promènent dans le livre (parce qu'on ne suit qu'une ligne) vont vers la mer, sans se presser. Ils surgissent, chapardent ou maraudent leurs maigres nourritures, et disparaissent on ne sait où, comme s'ils habitaient un autre monde - et c'est un fait qu'il y a un autre monde : un monde du rêve, et complice des enfants.

Le monde de la réalité patrouille les routes, garde les supermarchés. Ses citoyens responsables organisent des battues à l'enfant et parlent de petits plombs dans les fesses. L'épidémie atteint tous les pays. Les villes de la réalité sont interdites aux enfants non accompagnés. L'ordinateur Toto est chargé des identifications. Mais l'autre monde s'insinue dans celui-ci. Les enfants ont des protections mystérieuses. Des portes s'ouvrent, des mains tendent du pain. Des parents manifestent contre les mesures brutales. Et voilà que les génies mathématiques désertent à leur tour !

Les errants, pendant ce temps-là, sont devenus d'une beauté surhumaine. Ou peut-être humaine. N'est-il pas déjà trop tard ?