C'est juste après avoir vu {Shoah} qu'Annie Leclerc s'est juré d'écrire ces {Exercices de mémoire}, un texte qui se lit comme une injonction (mais suppliante) à ne pas oublier, ne plus oublier. Cette promesse d'écrire est aussi la réponse d'une non-juive à une culpabilité et à des larmes dont elle ne veut surtout pas s'exclure. Après les images de {Shoah} subsiste une seule certitude : le devoir de mémoire, le seul qui parce qu'il est toute rigueur et douleur donne un commencement de réponse à l'horreur qui n'est pas seulement derrière nous mais tisse, compose l'histoire même de ce siècle. Dès lors, comment la petite fille que les trains ont toujours fascinée peut-elle s'accommoder de ces trains de la mort qu'elle a découverts un jour ? Comment l'étudiante en philosophie qui révère Heidegger peut-elle accepter son implication dans le nazisme ? C'est seulement en décidant d'assumer en toute conscience ce travail exigeant de mémoire et de lucidité qui implique de ne se mettre jamais à l'écart, c'est-à-dire hors mémoire, de ce qui restera {ad aeternam} une plaie béante de l'humanité. "...Requise de parler, j'ai au moins fini de prétendre que je n'étais pas concernée. J'ai promis d'interroger l'oubli, le regard détourné, les oreilles bouchées, l'effacement de la question. D'essayer de penser à l'impensable...".