« Un visage lao-khmer, thaï, birman, indonésien, moluquois s’est solidifié en moi, minéral, doux, très mat, très sombre, très lumineux - pommettes puissantes, rondes, bouche extra-large, épaisse, nez cambré, narines vastes, yeux de rêve noir, chevelure noire et longue -, et j’ai grandi par lui, grâce à lui, poussant autour de lui, trouvant dans sa contemplation mon terreau, mes racines, ma croissance, mon tronc, mes branches, et maintenant ma floraison, mes feuilles, toutes ces feuilles que voici, indissociables de lui, reliées par lui.
Et c’est vers ce visage que j’irai toujours. »
Qu’arriverait-il à Paul Gauguin aujourd’hui ? Non pas le peintre postimpressionniste né en 1848 qui trouva refuge en Polynésie, mais un autre Paul Gauguin, jeune artiste autodidacte né en 1968, qui s’envole au début des années 1990 vers la Thaïlande pour refaire sa vie loin des Beaux-Arts d’Occident ?
Son histoire se mêle à celle de Bangkok, ville aux mille récits que ses habitants écrivent de jour comme de nuit. Son inspiration ? Des femmes, rencontrées le plus souvent dans les bars et les clubs, qu’il étudie avec fascination pour traduire leurs gestes, leur peau, leur vie. A ses yeux, ces figures incarnent l’art, il dédiera son existence à tenter de les saisir dans des toiles et des films.
Méditation romanesque sur la puissance de la création face à la culture de l'effacement, tentative d’épuisement d’une mégapole mythique par la langue, déclaration d’amour à l'Asie du Sud-Est, ce roman se déploie comme la fresque étourdissante d’un peintre admiré puis maudit.