Gagou Benhassen a honte de son nom. A l'école française, il se fera appeler Jo pour camoufler ses origines ethniques douteuses. Nous sommes en un pays arabe aux temps glorieux de la colonisation. L'institutrice et les militaires font don aux peuples attardés des valeurs civilisatrices. Gagou les dévore. Né juif indigène, il efface à coups de hache tout ce qui lui a été transmis par ses parents et sa communauté pour devenir un vrai Français. Il fait des efforts forcenés pour ne plus parler sa langue maternelle, l'arabe. En vain. Les Français ne l'accepteront pas. Il devient alors communiste pour fondre dans une internationale universelle toutes les religions et les nations. Gagou ouvre son coeur à la fraternité universelle. Les musulmans, nationalistes, se méfient de lui. Puisque c'est comme ça, il va redevenir arabe. Il réapprend la langue, porte les vêtements traditionnels, devient haut fonctionnaire du nouvel Etat. Mais sa famille et sa communauté quittent le pays. Encore une fois, Gagou se retrouve entre deux chaises. Mais cette fois, il est bien décidé à ne pas céder. Arabe il est, arabe il restera. Les juifs s'en vont un à un. Il est considéré par tous comme le dernier des juifs, lui qui voulait ne plus l'être. Insupportable. Il s'expatrie à son tour et va rejoindre sa communauté dans les quartiers juifs de Paris. Alors, il se rend à l'évidence : il ne peut pas se dérober au monde dans lequel il est né. Mais il a trop longtemps vécu loin de ses racines. Chez les juifs, il ne se sent pas chez lui non plus. De nouveau, le voici entre deux chaises mais elles n'ont que trois pieds.