Le 14 octobre 2006, Hannah Arendt aurait eu 100 ans. Morte en 1975, la philosophe n'a cessé depuis d'être au centre des débats philosophiques et politiques, qu'il s'agisse de la question des droits de l'homme, d'Israël, de la mémoire du nazisme ou plus largement de la « condition de l'homme moderne » pour reprendre le titre d'un de ses plus célèbres ouvrages. Dans cette biographie intellectuelle, Michelle-Irène Brudny, spécialiste d'Arendt, a choisi de suivre les différentes étapes de la composition de l'oeuvre en montrant comment chaque épisode de sa vie est à la fois intimement lié à la pensée qui se met en place et à la réception que nous en avons. En reliant les fils d'une oeuvre polymorphe, l'auteur s'inscrit en faux contre les analyses souvent erronées, voire fantasmatiques qui font d'Arendt un auteur polémique. Sa relation avec Heidegger ? Brudny rétablit les faits et montre à quel niveau se définit exactement l'influence philosophique du maître sur l'élève. Le judaïsme et la polémique sur Eichmann ? Là aussi, une généalogie stricte permet de comprendre comment s'élabore chez Arendt, depuis l'enfance, une relation certes complexe à son judaïsme, mais qu'il ne s'agit en aucun cas, comme on l'a souvent dit, d'un « double aborrhé ». Le côté visionnaire des analyses du totalitarisme ? Sans doute est-là la partie la plus neuve de cet ouvrage, qui livre un document inédit et bouleverse la chronologie habituelle en mettant au jour un travail préparatoire aux Origines du Totalitarisme (1951) datant de 1938, et non de la période de la guerre comme on le pensait jusqu'à aujourd'hui. Enfin, une analyse de la manière d'Arendt à travers son oeuvre journalistique et pédagogique marque les limites de son travail et pointe les paradoxes d'une oeuvre souvent mal comprise. On suit pas à pas la démarche d'une philosophe qui continue de nous inspirer et on comprend mieux quelle séduction Arendt exerce sur notre époque.