A lire la dernière strophe du poème de Ronsard, dont Marcel Schneider s’est ici inspiré, « Adieu chers compagnons, adieu mes chers amis, je m’en vais le premier vous préparer la place », on devine avec mélancolie que ce livre est aussi un Adieu. Un testament. Nulle amertume chez cet humaniste misanthrope, cet érudit indifférent à son temps, pour qui 1936 ne signifie pas l’invention des congés payés mais l’obtention avec brio de son agrégation de latin-grec ! Qui, à l’heure du politiquement correct, reprend à son compte la définition de la démocratie par Baudelaire : « La démocratie est le plus énergique dissolvant de toute vertu que le monde ait connu jusqu’ici ». Dans le lignée de L’Eternité fragile, cette fragile architecture du temps recomposé qui sont ses mémoires, Marcel Schneider se souvient, et les figures amies ou admirées sont évoquées ici avec précision : Lise Deharme et André Breton, un Julien Gracq muet qui aime les mondanités, un Lord Byron musical, Nijinski érotico-mystique, Denise Bourdet en Panthéon des gloires défuntes, ainsi qu’un long essai sur Proust et le faubourg Saint-Germain.