Rolland, facteur de son état, ne trompe pas Dorothée, il l'ignore, il la nie, jusqu'à lui interdire d'enfanter. C'est qu'il lui préfère sa voiture. Une belle voiture rouge. Une "bête écarlate". Que peut un corps de femme fatigué contre une carrosserie rutilante ? Le miroir brisé d'un amour évanoui contre le miroir étincelant du machisme ? A tout le moins, la concurrence est déloyale. Mais au pays de Rolland et Dorothée, le nôtre, le vôtre, la justice n'existe guère. La "bête écarlate", c'est le meurtre de l'homme par la machine, c'est la folie du monde déguisée en élégance de vie. Tantôt baroque jusqu'au délire, tantôt clinique jusqu'à la chirurgie mentale, Daniel Depland est le peintre impitoyable de cette nouvelle forme d'esclavage : la passion des choses, qui renvoie aux temps préhistoriques l'amour des êtres. La "bête écarlate" règne en maîtresse sur un univers d'animaux en costumes trois-pièces. Daniel Depland, lui, ne sait pas conduire.