La France entretient avec l'art d'aujourd'hui des relations difficiles. Depuis quelques mois, une polémique veut démontrer que l'art français contemporain n'a "ni sens, ni existence". Elle réunit un parti disparate d'intellectuels, de conservateurs de musée et d'essayistes. Quels en sont les enjeux ? Depuis le début du siècle s'exprime un traditionalisme esthétique qui se réclame du bon goût français, professe un anti-intellectualisme explicite, déplore la perte du métier des maîtres anciens et en appelle au classicisme. Ce traditionalisme s'accommode à merveille du culte des morts qu'est devenue l'industrie des commémorations... Autre spécificité française, l'alliance de l'art et de l'Etat, vieille habitude remontant au moins à Louis XIV. L'Etat protège, commande, entretient les artistes. Mais, sans lui, la création mourrait plus sûrement encore... Il serait temps de se demander ce que signifie cette haine du présent que la crise actuelle avoue. Symbolique funèbre de la pyramide du Louvre, hypertrophie générale des musées, dévotion populaire au patrimoine, seraient autant de négations implicites de la création par une société qui ne demande qu'une chose : qu'on la laisse dormir en paix.