« A l'heure où l'on s'interroge tant sur la nature du lien entre enseignant et enseigné, où, pour tout dire, l'enseignement n'apparaît jamais plus autrement qu'en question, Hubert Grenier fait figure de réponse. Alors que nous ne savons plus ce qu'est un enseignant, Hubert Grenier nous apprend ce qu'est un maître. Tous ceux qui l'ont approché témoignent de sa grandeur ; personnage ombrageux, exigeant, et généreux, il poussait le scrupule et le respect de ses élèves jusqu'à rédiger à l'avance l'intégralité de ses cours, dont on ne pouvait distinguer ensuite s'il le lisait ou le réinventait, quelle était la part de la répétition et celle de l'improvisation. A la fois dramaturge et acteur de cette pensée qu'il avait la modestie de ne pas présenter comme la sienne, il avait le souci, dans le cadre à la fois indéfini et strict de la khâgne et de la préparation au concours de la rue d'Ulm, de toujours se renouveler et de prendre au sérieux les travaux les plus scolaires, qu'il élevait par son art de la formule et la pénétration de l'analyse, au rang de pensées réelles. Ce souci de penser bien et de penser toujours à hauteur d'homme - délaissant les facilités du jargon pour la difficile clarté d'une expression classique -, il le devait probablement à son maître Michel Alexandre, lui-même élève d'Alain, dont on sait le mépris que lui valut dans l'Université son éthique du beau style - du beau comme signe du vrai - et qui fit toujours profession de faire confiance aux mots du commun langage pour exprimer ce que la pensée avait de plus profond. Grenier s'inscrit dans cette tradition des grands professeurs de khâgne - Lagneau, Alain, Alexandre -, dont la vie de philosophe se résume et se fond dans la carrière d'enseignant. » Ollivier Pourriol