Jean-Baptiste Savigny a vingt-sept ans quand, sous l'effet d'une cuite malheureuse, il s'enrôle volontaire, chirurgien de troisième classe à bord de La Méduse : escortée de trois autres bâtiments, la frégate quitte Rochefort pour l'Afrique, avec pour mission de reprendre aux Anglais le Sénégal, que le Traité de Paris a restitué à la France après la chute de Napoléon, quelques mois plus tôt. On connaît un peu la suite, représentée par le célèbre tableau de Géricault, mais on en sait mal les détails : la frégate, commandée par le vicomte de Chaumareys, un vieil officier royaliste, incompétent et alcoolique, échouera le 2 juillet 1816, au large de la Mauritanie, sur le banc d'Arguin ... bien connu des marins. Les deux cents hommes qui ne pourront prendre place dans les embarcations de secours construisent un radeau de vingt mètres sur sept que les chaloupes remorqueront quelques miles, avant que, sur l'ordre du futur gouverneur du Sénégal, impatient de prendre ses fonctions, le « boulet inutile » ne soit abandonné en pleine mer, avec son chargement humain. Entassés sur le radeau, de l'eau jusqu'aux genoux, les naufragés meurent les uns après les autres dans les rixes et les tempêtes. Après quelques jours, ils ne seront plus qu'une vingtaine, à cours de vivres, qui se décideront à manger l'un des cadavres, savamment découpé par Savigny, le chirurgien de troisième classe... Avec une joie manifeste, Erik Emptaz explore l'âme humaine en proie à la folie et au désespoir, stigmatise la violence et les bassesses humaines, et moque l'incurie et la vanité de ceux qui usurpent leur pouvoir. Fondée sur l'étude minutieuse des faits, La Malédiction de la Méduse est un récit d'aventure plus qu'un roman historique. Une histoire pour le moins fascinante où la vigueur du ton, la drôlerie des personnages saisis dans leur moindre défaut et les clins d'oeil au lecteur tempèrent l'effroi d'un destin tragique dont la lâcheté et la fatuité humaines sont seules responsables.