Graziella Vaci est une jeune écrivain en résidence à la Villa Médicis. Pour nourrir son imagination et pour tromper la mélancolie romaine, elle décortique chaque jour les faits divers qui défrayent la chronique. Elle se prend ainsi de passion pour l'histoire du « tueur des trains » : un certain Sar, jeune et ténébreux, viole les jeunes femmes puis les assassine, le plus souvent en les défenestrant. Une chasse à l'homme est lancée dans toute l'Europe. Graziella collecte maniaquement les articles, les indices, les photos. Elle décide même d'écrire une pièce de théâtre à partir de cet épisode sanglant : sur la scène fantasque de la Villa Médicis, où l'histoire se mêle aux fresques secrètes de Balthus, où le brouhaha de la ville couvre parfois les basses rumeurs, le motif de Sar va prendre une dimension nouvelle. Inquiètante. Et ébranler toute la Villa Médicis. Graziella rencontre Vlad, un metteur en scène roumain, séducteur et diabolique, qui lui propose de monter sa pièce. Tous les comédiens vivent sur place. Les répétitions commencent, chaotiques, pleines d'émotion, de trouble mais très vite, la comédienne principale disparaît. Quelques jours plus tard, on retrouve son corps en contre-bas d'une voie ferrée, aux alentours de Civitavecchia... Le coupable serait-il Sar ? L'un des acteurs ? Le metteur en scène ? Tous ont une bonne raison de faire disparaître cette comédienne... « Constantin Stanislavski est l'inspirateur de la méthode Actor's Studio. Réformateur du jeu théâtral, c'est lui qui propose aux acteurs d'utiliser leurs souvenirs, leur « mémoire affective » pour vivre les émotions sur scène au lieu de les singer... Actuellement en thèse sur les théories théâtrales de Stanislavski, j'en fais ici un jeu romanesque : comment l'art s'ancre dans le réel et s'approprie l'humain. Ce roman porte les traces d'une ironie romanesque qui fait passer les pires crimes pour des dramaturgies ficelées. Le système stanislavskien du jeu de l'acteur est élargi à l'art tout entier, et à l'écriture elle-même : comment l'artiste digère-t-il le réel ? En quoi la mémoire affective est-elle le matériau privilégié de toute création ? Enfin, la réciproque de cet engagement affectif dans l'art a le tranchant du boomerang : on a beaucoup stigmatisé les dangers du système stanislavskien : lorsqu'on titille la psyché pour en transcender les failles, il n'est pas rare que la psyché se venge, échappant à tout contrôle, à toute mise en scène. C'est alors que, littéralement, la réalité dépasse la fiction.... » Claire Legendre