La dernière guerre des États-Unis contre l'Irak a révélé une véritable « faille » entre les deux rives de l'Atlantique. Ce n'est sans doute pas un hasard si c'est dans un même mouvement que l'on s'interroge sur la communauté d'intérêts et de valeurs de l'Europe et des États-Unis, tout en posant le problème de l'Europe politique et celui de ses frontières. D'un côté, la réunification de l'Europe et la récente discussion constitutionnelle européenne ont posé la question de l'identité européenne ; de l'autre, on assiste à une tentative de définition de l'identité politique de l'Europe à partir ce que l'on a pu appeler récemment la « différenciation identitaire » - par laquelle l'Europe se cherche et s'oppose aux États-Unis. Il en résulte le risque d'une « dérive des continents », dont il faut bien mesurer la nature et les conséquences. Certes, on a souvent évoqué la différence de puissance : les États-Unis se comporteraient comme les grandes puissances l'ont toujours fait et, à l'inverse, si l'Europe mise sur le respect du droit et du multilatéralisme, c'est parce qu'elle serait dans une situation de « faiblesse stratégique » telle qu'elle n'aurait pas d'autre choix. Mais cette observation esquive la transformation de la forme politique en Amérique et en Europe. Ce qui est en jeu dans l'avenir de la relation transatlantique réside dans les « visions » américaine et européenne de l'« État » et, de manière plus spécifique, de l'articulation entre trois notions-clés qui ont dessiné les contours de la forme politique moderne : l'État, la nation et la souveraineté. Ces notions cristallisent l'ensemble des questionnements qui caractérisent aujourd'hui la relation transatlantique, en particulier sur le plan externe (exercice unilatéral de la puissance versus multilatéralisme ; dialectique entre la puissance et le droit ; dilemme légalité versus légitimité internationales, etc). Ce serait, ainsi, dans les particularités du rapport que les États-Unis et l'Europe entretiennent à l'État-nation que nous découvririons le ressort intime des relations transatlantiques et, peut-être, les clefs de leur avenir.