Pierre Combescot est journaliste au Canard Enchaîné. Il est l'auteur de Louis II de Bavière (1973), des Funérailles de la Sardine (Prix Médicis 1986), des Filles du Calvaire (Prix Goncourt 1991), de La Sainte Famille (1996), du Songe de Pharaon (1998) et Les Petites Mazarines (1999). Ce roman est une saga qui court sur trois générations, comme pour démontrer qu'il faut plusieurs vies pour accomplir une destinée. C'est ce que ressent le héros du livre, Kuno von Urslingen-Frundsberg qu'on voit, aux premières pages du roman, regagner Schwartzauge, le domaine de ses ancêtres, au coeur du Tyrol. Il a faussé compagnie à la Panzer-division Frundsberg après avoir tué deux jeunes caporaux qu'il soupçonnait d'être des mouchards de la Gestapo. Le château en flammes ne l'affecte pas, lui le déserteur, « demi-juif errant dans les décombres du 3ème Reich » : ce qui l'inquiète, c'est d'affronter la débâcle de sa vie. Il n'a pas connu ses parents, Ulrich et Sarah l'italienne, morts dans un accident de voiture, selon son grand-père, Tassilo, qui l'élève avec l'aide de Mademoiselle Marthe, la gouvernante française. « Tassilo possédait, sous l'écorce d'un salaud réactionnaire, l'âme d'un délinquant. Et peut-être est-ce à cause de cela qu'il fut fasciné par les Nazis .» Et si Tassilo ne ressemble en rien à son père, le comte Hynko, viveur raffiné qui préfère Vienne et sa décadence à la chasse au sanglier, c'est parce qu'il est le fils du garde-chasse, Udo. Hynko a cependant assez de pouvoir sur Tassilo pour lui imposer un mariage avec Malvina Hirchwitz, fille d'un banquier juif qui rêve d'entrer dans le Gotha. En réalité Hynko, par ce mariage, installe à Schwartzauge, Marie Guimard, célèbre ballerine française, alias Marthe qui porte un enfant de lui. Tassilo, abusé, croit qu'il est le père de cet enfant. Après le suicide d'Hynko, Tassilo, pour s'assurer des revenus, organise des chasses où se pressent grands de ce monde et dignitaires Nazis qui se voient déjà propriétaires du château et de sa galerie de portraits. A la fin de la guerre, Kuno retrouve Marthe, vieillie, qui finit de lui apprendre ce qu'il avait en partie deviné : elle est sa grand-mère et ses parents sont vivants. Kuno et Marthe s'enfuient alors jusqu'à Ferrare, rejoindre les parents de Kuno. Mais à leur arrivée, ils apprennent qu'ils sont morts en déportation. Marthe ne survit pas à son chagrin. Kuno rejoint ce qui lui reste de famille à Paris. Il se consacre alors à la traduction du livre qui ne l'a jamais quitté et qui relate la vie de son ancêtre : Vie et Mort de l'illustrissime capitaine Georg von Frundsberg ou l'école des Lansquenets. Il fera de ses notes accumulées en marge de ces pages un roman, « pour dire l'histoire d'une âme et de sa désolation. »