Sous le nom de psychobiographie, l'auteur se propose de mettre au point une méthode qui vise un double but : combler les lacunes de la biographie classique, laquelle se contente d'énumérer les accidents visibles d'une existence, de reconstituer le curriculum vitae officiel d'un artiste en négligeant la principale mine d'informations, savoir ses oeuvres mêmes - et combler les lacunes de la critique littéraire ou artistique, qui étudie les oeuvres comme si elles étaient l'émanation d'une " liberté " créatrice. La psychobiographie, étude de l'interaction entre l'homme et l'oeuvre, repose sur la conviction que la vie et l'oeuvre se développent à partir d'une source commune, ignorée de l'artiste lui-même. Tirer au grand jour les mécanismes inconscients qui ont motivé à la fois la vie et l'oeuvre, fouiller jusqu'aux racines de l'arbre, voilà donc la tâche de cette nouvelle méthode, qui cherche dans la protohistoire de son modèle, dans ces drames noués jadis une fois pour toutes dans la nuit sans lumière de l'enfance, la cause déterminante non seulement de ce qu'il est devenu comme homme, mais aussi de ce qu'il a produit comme artiste.
L'Arbre jusqu'aux racines comprend d'abord une partie méthodologique, où l'auteur expose le but, les difficultés et les limites de la psychobiographie, non sans prendre parti dans la grande querelle des méthodes qui agite aujourd'hui la critique : et s'il est évident que les techniques d'interprétation dites " structuralistes ", qui se bornent à étudier les rapports internes d'une oeuvre, lui paraissent insuffisantes, il prend soin d'expliquer pourquoi le nouveau type de lecture qu'il propose n'a rien à voir avec une application littérale de l'enseignement freudien.
Au reste, le gros du volume, consacré à trois études particulières, sur Michel-Ange, sur Mozart et sur Proust, fournit la preuve qu'une méthode est peu de chose, si celui qui l'utilise ne la remet pas constamment en question. Le principal est encore de savoir " écouter " une oeuvre, peut-être même de se laisser troubler par elle, au point de renoncer parfois à la neutralité scientifique exigée en principe du savant. Pourquoi Michel-Ange, pourquoi Mozart, dont nous ne percevons plus aujourd'hui les motivations culturelles, continuent-ils à nous émouvoir si violemment ? Le lecteur découvrira en Michel-Ange, au lieu du héros de l'humanisme florentin, du titan de la légende, le prisonnier d'une certaine situation conflictuelle infantile. L'analyse des opéras de Mozart permet de montrer que les relations inconscientes du musicien avec son père, le jeu réciproque de la révolte impossible et de la soumission exaltée, ont gouverné sa pensée et son art, peut-être même précipité sa mort.
Quant à l'essai sur Proust, il répond à une intention un peu différente. Proust s'est efforcé par tous les moyens de nier le rôle des parents dans la genèse des maladies, des névroses et des vices : avec ce double résultat d'affaiblir la solidité psychologique de la Recherche et de prouver malgré lui qu'on a beau se vouloir fils de personne, le destin d'un homme et d'une oeuvre dépend de la constellation familiale sous laquelle il est né, de cet enfer premier qui tient, à jamais, l'écrivain sous sa loi.
L'Arbre jusqu'aux racines comprend d'abord une partie méthodologique, où l'auteur expose le but, les difficultés et les limites de la psychobiographie, non sans prendre parti dans la grande querelle des méthodes qui agite aujourd'hui la critique : et s'il est évident que les techniques d'interprétation dites " structuralistes ", qui se bornent à étudier les rapports internes d'une oeuvre, lui paraissent insuffisantes, il prend soin d'expliquer pourquoi le nouveau type de lecture qu'il propose n'a rien à voir avec une application littérale de l'enseignement freudien.
Au reste, le gros du volume, consacré à trois études particulières, sur Michel-Ange, sur Mozart et sur Proust, fournit la preuve qu'une méthode est peu de chose, si celui qui l'utilise ne la remet pas constamment en question. Le principal est encore de savoir " écouter " une oeuvre, peut-être même de se laisser troubler par elle, au point de renoncer parfois à la neutralité scientifique exigée en principe du savant. Pourquoi Michel-Ange, pourquoi Mozart, dont nous ne percevons plus aujourd'hui les motivations culturelles, continuent-ils à nous émouvoir si violemment ? Le lecteur découvrira en Michel-Ange, au lieu du héros de l'humanisme florentin, du titan de la légende, le prisonnier d'une certaine situation conflictuelle infantile. L'analyse des opéras de Mozart permet de montrer que les relations inconscientes du musicien avec son père, le jeu réciproque de la révolte impossible et de la soumission exaltée, ont gouverné sa pensée et son art, peut-être même précipité sa mort.
Quant à l'essai sur Proust, il répond à une intention un peu différente. Proust s'est efforcé par tous les moyens de nier le rôle des parents dans la genèse des maladies, des névroses et des vices : avec ce double résultat d'affaiblir la solidité psychologique de la Recherche et de prouver malgré lui qu'on a beau se vouloir fils de personne, le destin d'un homme et d'une oeuvre dépend de la constellation familiale sous laquelle il est né, de cet enfer premier qui tient, à jamais, l'écrivain sous sa loi.