Georges-Olivier Châteaureynaud a écrit ici un roman-monde. Entre fresque populaire dans la tradition du feuilleton et fable empruntant à la mythologie, entre l’ici et l’ailleurs, le familier et le surprenant, l’auteur dresse la carte d’un univers qui nous est parallèle. Nous sommes à Ecorcheville, face à L’autre rive, celle du Styx, mieux connu pour être le fleuve des morts. Ecorcheville, la cité des secrets et des mensonges, hérissée de tourelles gothiques telle une réplique de Gotham City sur une Riviera désolée ou un Monaco loufoque, dresse ses palais, ses gratte-ciels aux deux tiers vides, son orphelinat sinistre, sa cathédrale désaffectée qui abrite les monstres, sirène, centaure, satyre, que les eaux du fleuve déposent sur la berge. A Ecorcheville, il pleut des salamandres, l’esclavage n’a pas été aboli, une machine à s’auto-suicider permet d’en finir avec les états d’âme, les fils de famille rivalisent de vitesse sur la corniche comme s’ils jouaient La fureur de vivre, les enfants du Styx tutoient Charon, le passeur des morts, bref tout y est presque normal… C’est donc aussi un destin singulier que nous suivrons : fils adoptif d’une chirurgienne devenue embaumeuse, Benoît Brisé, quand il ne fréquente pas sa bande de copains, Onagre, Cambouis et l’orpheline Fille-de-Personne tente de percer le mystère de ses origines… On n’en dira pas plus, sinon qu’au cours de quelque 700 pages, on découvre avec jubilation, suspense, drôlerie, tendresse, tragédie, tous les ressorts de l’âme humaine.