Un soir de Noël au soir de sa vie, Louis Vertumne, critique redouté surnommé par le milieu « l’atrabilittéraire », est agressé par un jeune skinhead. Le respectable septuagénaire s’effondre, frappé à la poitrine. Une fraction de seconde plus tard, il est debout, un couteau ensanglanté en main : à ses pieds, c’est son propre corps qui gît inanimé. Epouvanté, Vertumne comprend qu’il habite le corps de son agresseur, qui lui est en tous points opposé : il est désormais Donovan Dubois, voyou inculte, sale, misérable mais dans la force de l’âge, assassin de surcroît. Il se découvre une gentille fiancée, un frère aîné raisonnable, un père à l’agonie et de bien dangereuses fréquentations. Partagé entre fascination et dégoût, convaincu d’être recherché pour meurtre, il prend la fuite. Commence une existence nouvelle, à laquelle Vertumne-Donovan cherche à donner un sens, entre tentatives d’en écrire le roman, tentations de s’abîmer dans l’insouciance animale et désir d’en finir, tandis qu’il s’interroge sur la vanité de sa première vie. Après s’être réfugié dans les bras de l’émouvante Poppée, professeur de latin et nymphomane alcoolique dont il fait, six mois durant, sa « providence titubante », il part lui-même à la dérive. Jusqu’à réaliser qu’il est peut-être le jouet d’un chaman resurgi de son propre passé, un dieu malin qu’il lui faut assassiner pour mourir enfin. Fantasme d’un esprit dérangé, comme le diagnostiqueront les psychiatres ? Inquiétante étrangeté d’une réalité dont les lois, comme à Vertumne, nous échappent ? Le roman demeure en cette limite trouble, où il n’est jamais permis d’en décider…