On le sait : nous abritons des personnages par dizaines et centaines. {Le Mémorial du sang} en fait l'extraordinaire inventaire. Chacun, qu'il soit muscle ou organe, a sa manière d'être, son orgueil, sa volonté. Par exemple le cerveau : un chef, dont les intérêts ne sont pas toujours, loin s'en faut, ceux du coeur. Le sang ? De tous les éléments qui font le corps et l'esprit, le plus important. Intercesseur, il est à la fois mémoire, interrogation, exigence... Sur le thème du sang, Michel Luneau a écrit un drame d'une absolue originalité. Nous entrons sans obstacle dans le monde où, entre la tempe et l'aorte, la clavicule et le poumon, nous retrouvons nos préoccupations, nos hantises, nos valeurs. Ce sang ne se contente pas d'irriguer, il est personnage de roman. Il dialogue avec le cerveau et revendique une vie psychique qui lui est propre, ce sang est, si l'on peut dire, de notre temps. Il l'est encore quand, à cause de lui, se pose un problème que nous n'aurons aucune peine à transposer : comment réaliser l'unité du corps en respectant chacun dans sa différence mais en exigeant un minimum de sens collectif ? Il l'est enfin quand, établissant que le sang de l'autre est le salut, il parle de solitude et se découvre dans l'amour.