Enfant, dans les années 50 à New York, le narrateur observait, intrigué, ses parents et leurs amis, tous expatriés tchécoslovaques, et sans bien les comprendre, il devinait à travers leurs voix un mystérieux passé européen. Etrangeté de la langue tchèque, étrangeté de ces personnages évoquant à mots couverts, entre larmes et ritournelles au violon tzigane, des souvenirs douloureux ; étrangeté des silences du père et des égarements de la mère… Plus tard, bien plus tard, l’enfant grandi et devenu écrivain remontera le cours de ses origines pour trouver la clé de ces mystères. Il la trouvera à Prague, au croisement de la petite et de la grande histoire. Prague, 1942. Des parachutistes atterrissent en secret en lisière de la ville. Leur mission : assassiner Reinhardt Heydrich, héritier putatif du Führer et architecte de la Solution finale. Ils y parviendront, mais les représailles nazies seront sanglantes : 10.000 Tchèques exécutés ou déportés sommairement en quelques jours. C’est dans ces circonstances tragiques que la mère du narrateur, Ivana, fait la rencontre de Tómas Bem, l’un des assassins de Heydrich. La mort aux trousses, ils vivront une passion amoureuse extraordinaire, dont rien, ni le temps ni les détours à venir de la vie, ne pourra jamais chasser les fantômes, ressuscités sous la plume du romancier. Mémoire autobiographique, récit des origines et roman historique, le dernier livre de Mark Slouka traverse les genres et se joue de la notion de « fiction » pour emporter son lecteur dans une histoire romantique comme on n’ose plus en écrire : sous l’impressionnante maîtrise narrative perce une rare émotion. De New York à Prague, des forêts de cauchemar de l’enfance aux maquis résistants, des limbes du passé aux fragments du présent, le monde de Slouka est une somptueuse révélation, transfigurée par les pouvoirs d’alchimie d’un véritable écrivain.