« Le départ de leur camionnette, chargée de Noémie enfermée dans le noir avec deux mètres cubes du purin le plus pur, et celui du pauvre Deulon, seul en Opel, furent donnés devant la mairie par madame le maire en personne, dont le discours chantant l'éloge du courage rappelait les meilleurs moments de sa campagne électorale, lorsque, pour défaire son adversaire socialiste, et née à Paris, elle n'avait pas hésité à chanter la Marseillaise en breton, ce qui avait ébahi l'assistance, vaincue par la beauté de son incantation et la violence de ses convictions, de la même manière elle exalta la croisade de ses concitoyens contre Paris qui ne mangeait plus que du poulet et de la salade et faisait chuter les cours du porc, poulet et salade qu'à notre grand dam nous ne produisions pas... » Deulon exerce sur le Finistère Nord un magistère moral. Phénomène comique dans une Bretagne noyée de nitrates, de revendications amères, de désirs inassouvis, il voit son destin impitoyablement lié aux variations économiques et aux cours du cochon. C'est son histoire que nous conte, dans un premier roman virtuose, Tancrède Voituriez.