Il s'agit ni plus ni moins que de l'ambitieuse mise en fiction de la grande question du « qui savait quoi, et quand? » sur la Shoah durant la Seconde guerre mondiale. L'auteur mêle les personnages inventés (le narrateur Patrice Orvieto, jeune diplomate, son frère Sergio, Françoise, l'épouse d'un responsable du MI-6 anglais, agent double travaillant pour les Soviétiques) et les personnages historiques. On y suit la tentative désespérée des "sentinelles" au destin tragique pour alerter les opinions occidentales sur les atrocités commises à l'Est: le fameux Kurt Gerstein, Ian Karski, résistant polonais qui a assisté au génocide à Belzec, Samuel Zyghelboïm, témoin impuissant des horreurs dans le ghetto de Varsovie... On y retrouve Hitler concevant l'Holocauste, Eichmann le planifiant, von Braun utilisant ses esclaves des camps dans ses usines de Peenemune et de Dora avant de négocier ses archives et sa collaboration avec les Américains pour finir par triompher en parvenant à envoyer en 1969 des hommes sur la lune... On y assiste aux révélations faites puis tues à Churchill, à Roosevelt, et aux dilemmes de chacun des chefs d'Etat face à l'horreur. De la conférence d'Evian en 1938 à la mort de Karski en 2000, c'est le demi-siècle le plus noir de notre histoire contemporaine que traverse le narrateur de ce roman vrai, tour à tour jeune stagiaire à la Conférence d'Evian, puis, ayant rejoint la France libre à Londres, devenu intermédiaire entre le MI 6 britannique et le 2e bureau français, de plus en plus troublé par les révélations incroyables qui lui sont faites, de plus en plus désespéré de ne pouvoir relayer la parole des "sentinelles" auprès de ceux qui auraient eu le pouvoir de faire cesser le massacre.