Freud a exprimé la tragédie d'une époque où le passé subit de tels coups de boutoir politiques, familiaux et religieux qu'il explose littéralement. La perte de tous les repères de la tradition a pour conséquence de livrer l'intériorité à d'innombrables labyrinthes, dont l'analyse tente d'éclairer les abymes. Freud, l'homme sans passé, consacre paradoxalement toute sa vie à la réminiscence comme traitement des troubles psychiques. Il cherche souvent dans les œuvres littéraires une confirmation de ses thèses. C'est le cas du grand roman du parricide, Les Frères Karamazov, comme du dernier roman lu à Londres avant sa mort, La Peau de chagrin, où le suicide du héros est lié à l'absence d'héritage matériel et moral. La Gradiva, très attentivement commenté par Freud, livre une des clefs de son silence sur les femmes. Enfin, dans Le Roi des Aulnes, et L'Homme au sable, le clivage entre le père protecteur et le père destructeur prend une dimension terrifiante.