Depuis la parution en 1977 de ses Chroniques des années égarées, dans lesquelles il revenait sur sa jeunesse roumaine marquée par l’antisémitisme, les pogroms et le travail forcé, Serge Moscovici travaillait à la suite de ce récit autobiographique pour le reprendre où il l’avait laissé : à son arrivée à Paris en 1948, à l’âge de 22 ans. Ce sont ces notes, brouillons, remarques et feuilles libres qu’Alexandra Laignel-Lavastine a rassemblées pour nous livrer, pour la première fois, le récit des années de formation humaine et intellectuelle de celui qui allait devenir l’un des grands noms des sciences humaines et de la psychologie sociale, et l’un des précurseurs de l’écologie politique.
De l’asile pour vieillards de la rue Lamarck où il passe ses nuits lors de son arrivée dans cette Ville-Lumière tant fantasmée jusqu’à son élection à l’EHESS, on le suit dans le récit de ces années cruciales qui dévoile un homme se faisant. Sans détour il se livre : il dit la misère et la solitude des premiers temps, le poids du silence et d’une Histoire que, dans ce Paris d’après-guerre, certains préfèrent taire ; l’isolement, ne se retrouvant ni à gauche, ni à droite, ni parmi les « israélites français ».
Cet isolement le rapprochera néanmoins de deux autres juifs étrangers, aussi pauvres et déracinés que lui, qui deviendront ses meilleurs amis : Isac Chiva, futur bras droit de Claude Lévi-Strauss, et Paul Célan, grand poète du siècle dernier. Ensemble, le trio de métèques découvre le Quartier Latin où s’agite une foule issue de tous les pays de la terre, la vie d’hôtel et de petits boulots, mais aussi l’amitié (je n’étais plus seul au monde), l’émulation intellectuelle, la vie nocturne, dans les caves, les cabarets, et plus tard, dans les hauteurs de l’esprit, à l’université. On le suit alors des bancs de la Sorbonne au CNRS puis à l’EHESS, réalisant son rêve, devenir un homme d’étude, trouvant ses pères, le psychiatre et psychanalyste Daniel Lagache et l’historien des sciences Alexandre Koyré, et les questions qui définirent sa pensée : le sens commun, l’énigme des foules, les minorités actives, la condition de paria… De Saint-Michel à Montparnasse, on croise Lacan ou Lévi-Strauss, d’autres exilés qui figurent une famille, mais aussi des femmes, malgré l’immense timidité qu’il avoue, et une en particulier, Marie Bromberg-Moscovici qui deviendra sa femme en 1955 et sur le portrait de laquelle se clôt ce récit passionnant, d’une beauté et d’une grandeur qui doivent tout à l’humilité et l’intelligence de son auteur. Un livre rare et merveilleux
De l’asile pour vieillards de la rue Lamarck où il passe ses nuits lors de son arrivée dans cette Ville-Lumière tant fantasmée jusqu’à son élection à l’EHESS, on le suit dans le récit de ces années cruciales qui dévoile un homme se faisant. Sans détour il se livre : il dit la misère et la solitude des premiers temps, le poids du silence et d’une Histoire que, dans ce Paris d’après-guerre, certains préfèrent taire ; l’isolement, ne se retrouvant ni à gauche, ni à droite, ni parmi les « israélites français ».
Cet isolement le rapprochera néanmoins de deux autres juifs étrangers, aussi pauvres et déracinés que lui, qui deviendront ses meilleurs amis : Isac Chiva, futur bras droit de Claude Lévi-Strauss, et Paul Célan, grand poète du siècle dernier. Ensemble, le trio de métèques découvre le Quartier Latin où s’agite une foule issue de tous les pays de la terre, la vie d’hôtel et de petits boulots, mais aussi l’amitié (je n’étais plus seul au monde), l’émulation intellectuelle, la vie nocturne, dans les caves, les cabarets, et plus tard, dans les hauteurs de l’esprit, à l’université. On le suit alors des bancs de la Sorbonne au CNRS puis à l’EHESS, réalisant son rêve, devenir un homme d’étude, trouvant ses pères, le psychiatre et psychanalyste Daniel Lagache et l’historien des sciences Alexandre Koyré, et les questions qui définirent sa pensée : le sens commun, l’énigme des foules, les minorités actives, la condition de paria… De Saint-Michel à Montparnasse, on croise Lacan ou Lévi-Strauss, d’autres exilés qui figurent une famille, mais aussi des femmes, malgré l’immense timidité qu’il avoue, et une en particulier, Marie Bromberg-Moscovici qui deviendra sa femme en 1955 et sur le portrait de laquelle se clôt ce récit passionnant, d’une beauté et d’une grandeur qui doivent tout à l’humilité et l’intelligence de son auteur. Un livre rare et merveilleux