Panthéon est ce qu'il est convenu d'appeler un « roman d'apprentissage » et, de ce fait, il respecte les lois du genre : le narrateur n'y est autre que Yann Moix lui-même, et son enfance à Orléans, dans une famille de petits bourgeois réactionnaires. Mais le « réalisme » de ce roman s'arrête là. Car, avec Yann Moix, le réalisme ne dure jamais bien longtemps. Ce livre raconte ainsi l'histoire du petit Yann qui, pour ne pas passer à côté de son destin, et pour échapper à son sort d'enfant martyr battu par ses parents, va s'inventer le « Panthéon » qui lui permettra de survivre dans son cloaque provincial. Dans ce « Panthéon » très spécial, on retrouve, en vrac, tous les vrais héros de ce livre : Péguy (orléanais comme Moix), mais aussi Sacha Guitry, Roberto Rossellini, Edith Stein, Thérèse de Lisieux, Jean-Paul Marat (bref locataire du vrai Panthéon) et un certain François Mitterrand. Ce dernier occcupe une place particulière dans le panthéon moixien car il symbolise le destin accompli, le héros nietszchéen par excellence, celui qui « a décidé de ne plus souffrir à cause des femmes » et qui, de fait, dirigea la France pendant toute la période où notre pauvre petit orléanais tentait vainement de diriger ses propres incohérences d'adolescent... Du coup, chacun de ces « panthéonisés » devient le prétexte de « petits romans » incrustés dans le roman, où le style vertigineusement célinien de Yann Moix fait merveille. A chaque page, le lecteur est ému et diverti. Il rit et pleure avec une égale bonne humeur. Et voyage, au gré d'un capitaine romancier très facétieux, entre des trouvailles, des digressions, des doses de vitriol, des « scènes de genre », qui font de ce livre un roman inclassable. Le récit se termine avec l'arrivée à Paris du jeune Yann. La littérature et le cinéma attendent de pied ferme ce Rubempré issu des classes moyennes et bien décidé à prendre sa revanche sur son « début dans la vie ». La suite au prochain roman ?