« Mon père appartient à cette génération qui, sous prétexte qu’elle est née après guerre et en plein progrès, a décidé que son combat d’une vie serait de ne pas mourir. De ne pas mourir, donc de ne pas vieillir. D’arrêter le temps. Au début, je croyais qu’il était le seul atteint. Et puis j’ai vu d’autres spécimens, je les ai parfois côtoyés : les faux jeunes. Au début je croyais que le syndrome ne touchait que les hommes de son âge, les éternels « baby-boomers », puis je me suis aperçue que la génération suivante était pire. Déjà faux jeune à quarante ans. Voilà le problème. Les gens ne veulent plus mourir. Alors ils volent la vie de leurs enfants. Ce sont des ogres » L’ogre est ici un père si juvénile et séduisant qu’il courtise de préférence des filles plus jeunes que la sienne. Il lui présente des nymphettes renouvelables à talons compensés, quand Marion alias « big » (son surnom !) pratique volontiers l’amant quinquagénaire cabossé par la vie. Au-delà du sujet de société - les pères et leurs filles, l’homme occidental en proie à l’obsession du jeunisme – Marion Ruggieri, tout en se moquant d’elle-même en adolescente à perpétuité, a réussi un roman qui tient du prodige : faire rire de nos travers virils et faire pleurer d’une si attachante liaison avec son géniteur. Comment grandir quand son père reste à jamais l’impossible M. Bébé ? A la fois pudique et réaliste, tendre et cruel, autobiographique mais universel, ce premier roman sur la confusion des âges devrait connaître un grand succès auprès de tous les publics. Car hélas ! nous sommes tous concernés par cette phrase : « Le problème avec les parents d’aujourd’hui, c’est qu’ils ne meurent jamais. Ou qu’on les aime trop. »