Quand Reiser est mort en 1983 (vingt ans en 2003), Hara-Kiri titra : " Reiser va mieux, il est allé au cimetière à pied. " Reiser n'est jamais arrivé au cimetière, il vit encore : l'humour et le sexe des années 2000 doivent presque tout à ses dessins incontournables. Son Gros Dégueulasse au slip douteux est un mythe contemporain. Ses Copines aux seins rebelles sont toujours aussi affranchies et sexy. Son bestiaire, du rat à l'éléphant, préfiguration du zoo humain, est tordant. Reiser, d'un trait jaillissant, survolté, inventa le dessin de moeurs. Il jonglait avec les idées et les fantasmes les plus fous. Mais que connaît-on de sa vie, foudroyée par le cancer à 42 ans ? Sait-on qu'il est né (en 1941) d'une mère femme de ménage et d'un père inconnu qu'il soupçonna être un soldat allemand ? Sait-on qu'il pointa comme grouillot aux vins Nicolas avant de vivre la folle aventure d'Hara-Kiri, le journal " bête et méchant " du Professeur Choron et de Cavanna ? Sait-on que cet anarchiste se passionnait pour les nouvelles énergies et l'architecture ? Et se souvient-on que Reiser, qui passe pour le voyeur le plus drôle des années 1970, fut en amour le charme incarné, l'ami des femmes, mieux, un féministe avant l'heure ? Jean-Marc Parisis nous entraîne dans le fracas d'une vie en éclats, éclairée par de multiples témoignages et documents. La France de De Gaulle, de Pompidou, de Giscard, défile. La France des Trente Glorieuses, de Mai 68 et de la censure, dont Reiser, ce Céline de la BD, tira le portrait en rigolant. Au fil d'une biographie nerveuse et superbement écrite, on retrouve Coluche, Wolinski, Cabu, le chaudron sensuel de Charlie-Hebdo, une génération libertaire et blagueuse. Reiser a dessiné et colonisé notre imaginaire. Il est éternel.