On n'a pas oublié comment, dans L'Ancien et le Nouveau, Marthe Robert, exégète attentive de Cervantes et de Kafka, tirait du parallèle entre Don Quichotte et Le Château une philosophie nouvelle de la création littéraire.
Sur le papier, recueil d'essais, permet à Marthe Robert de préciser sa pensée et de la ramifier dans des directions imprévues. Cervantes et Kafka restent les points d'appui d'une recherche vouée à mettre en lumière les rapports de l'écrivain avec son oeuvre.
Deux études sur les Frères Grimm et sur le conte de fées enchanteront ces lecteurs qui, de plus en plus nombreux, soupçonnent que la para-littérature supposée enfantine cache en réalité des vues profondes sur l'homme. Les épreuves dont le jeune garçon du conte doit tour à tour triompher ne sont que les symboles d'une libération psychologique : s'il continue à exercer à travers les siècles un pouvoir fascinant, c'est parce qu'il rompt avec ses attachements infantiles et réussit là où oedipe a échoué.
Enfin, Marthe Robert, dont on connaît les beaux travaux sur Freud, démontre quelle erreur c'est de se représenter le fondateur de la psychanalyse comme un " philosophe ", comme un maître de " valeurs ". Elle souligne son humilité, son refus de collaborer avec les secteurs optimistes de la pensée, son " héroïque trivialité ". Pareille mise au point semblera particulièrement bienvenue au moment où trop d'épigones qui se parent du titre usurpé de disciples tirent à hue et à dia la doctrine de l'illustre Professeur. En cette matière comme dans les autres, le livre de Marthe Robert témoigne en faveur de ce qu'elle met au plus haut : une intelligence émue mariée à une pensée droite.