Est-on plus neuf parce qu'on vient de vous transplanter le coeur d'un autre ? Rachel, à peine remise de son opération, aurait plutôt le sentiment que sa jeunesse vient de la quitter à jamais, d'autant que Jérôme, après treize ans de bonheur, lui avoue son amour pour Marie-Ange. Tout serait fini pour elle, soudain, si elle ne rencontrait un jeune homme, et l'émerveillement de vivre encore une fois une passion, brève, chaste, avec ce Matthieu à la peau sombre. Jérôme, le temps rompu, Matthieu, le temps retrouvé : peu à peu s'établit l'étrange équilibre de cette algèbre amoureuse, tandis que les mois, les années passent sur ces quelques semaines de crise. Avec un art très sûr de l'esquive et de l'allusion, comme s'il s'agissait d'instants saisis au vif, de notations quotidiennes, impressionnistes, fugitives, Claude Mauriac réussit à capter le frémissement de l'éphémère dans cette belle méditation romanesque, où la fantaisie et l'imaginaire disent gravement l'amour, ses variations, ses surprises, à travers le temps immobile de nos vies.