Livre-cri, livre-coup, d'une sincérité violente, impudique et sans concession, ce récit ne ressemble à aucun autre. Ce n'est pas la première fois qu'une femme raconte une crise intime, mais jamais on avait osé employer comme elle le fait «les mots pour le dire», les mots vrais, les mots interdits, les mots qui délivrent. Sujette à des troubles dont tout lecteur et toute lectrice ressentiront aussitôt comme en eux-mêmes l'insupportable chaîne, la jeune femme que nous découvrons ici est un être physiquement et moralement désemparé, au bord de la folie, du suicide. Jusqu'au jour où elle décide de confier son destin à un psychanalyste. Alors au fil des séances, nous remontons avec elle le chemin de sa vie, dont les étapes s'éclairent les unes après les autres : le divorce des parents, la mort du père, les traumatismes de la sexualité infantile, l'adolescence dans une Algérie en guerre et, par-dessus tout, l'ultime souvenir arraché aux ténèbres du refoulement, cet aveu d'une mère, qui est peut-être l'origine de tout le mal. Avec un acharnement qui vient à bout de toutes ses résistances intérieures, la narratrice nous découvre son passé et se découvre à lui. Au terme de son récit, elle s'apercevra qu'elle est délivrée de ses angoisses et qu'elle peut recommencer à vivre avec son mari et ses enfants. Mêlant la confession romanesque et le procédé moderne de la cure analytique, Marie Cardinal nous fait vivre à travers son héroïne une extraordinaire expérience. C'est un livre grave que celui-ci, un document-vérité, bouleversant de naturel, en même temps que l'itinéraire étonnant d'une guérison par le courage et la volonté de se vaincre soi-même. Cette délivrance sera celle des mots, car c'est en les nommant qu'on tue les fantasmes. Il s'agit d'un cas, vécu, particulièrement pénible, mais la leçon magistrale que nous donne Marie Cardinal vaut pour chacun de nous. Fasciné, on ne pourra plus échapper : la puissance du livre où se manifestent avec tant d'évidence, le tempérament d'une femme et le talent d'un écrivain.