Don Quichotte ne désire pas spontanément ; il imite Amadis de Gaule, le médiateur de ses désirs. Dans le monde moderne, le médiateur n'est plus légendaire mais réel ; le disciple désire le même objet que son modèle, il se voit donc perpétuellement contrecarré par celui-ci et, loin de le vénérer comme Don Quichotte vénérait Amadis, il dénonce en lui un rival injuste ou même un persécuteur diabolique. L'homme moderne prise l'autonomie mais c'est toujours auprès d'un médiateur qu'il cherche à se la procurer, par une contradiction dont il n'a presque jamais conscience.
La littérature romantique répudie toute imitation et fait un dogme de l'originalité ; le médiateur reste dissimulé. La présence de ce médiateur, par contre, est inlassablement dénoncée dans les chefs-d'oeuvre romanesques. C'est de la médiation que relèvent ce que Stendhal appelle vanité et ce que Jules de Gaultier, chez Flaubert, appelle bovarysme. C'est la médiation qui régit le mécanisme de la haine chez Dostoïevski, de la jalousie et du snobisme chez Proust, c'est elle, enfin, qui permet d'interpréter le masochisme et le sadisme. Les conséquences de la médiation s'aggravent à mesure que le médiateur se rapproche du sujet désirant et ce rapprochement engendre une dialectique qui éclaire aussi bien les analogies et les différences entre les grandes oeuvres romanesques que l'évolution historique vers les formes totalitaires de la sensibilité individuelle et collective.
La réflexion de l'auteur s'élargit donc en une méditation sur les problèmes de notre temps. C'est dans l'univers de la médiation que triomphent l'angoisse, la concurrence frénétique et les valeurs de prestige. Percevoir l'universelle médiation, c'est dépasser les psychanalyses et l'idée marxiste d'aliénation vers la vision dostoïevskienne qui situe la véritable liberté dans l'alternative entre médiateur divin et médiateur humain. C'est lire l'échec de la révolte prométhéenne non seulement dans les oeuvres littéraires mais dans un monde qui se laisse définir non pas par le " matérialisme " ou par " l'éloignement des dieux " mais par un sacré corrompu et " souterrain " qui empoisonne les sources de la vie.
Telle est la vérité à laquelle le romancier lui-même ne parvient qu'à travers l'enfer de la médiation. Il lui faut unir l'introspection et l'observation pour créer un Don Quichotte, un Raskolnikov ou un Charlus ; il lui faut donc reconnaître un prochain et un semblable dans le médiateur fascinant ; c'est dire qu'il lui faut mourir à l'orgueil romantique. L'écrivain meurt dans son oeuvre pour renaître romancier de même que le héros voit se dissiper ses illusions au moment de la mort. Marcel Proust, dans Le Temps retrouvé, dégage une signification éthique et esthétique commune à toutes les grandes conclusions romanesques.
La littérature romantique répudie toute imitation et fait un dogme de l'originalité ; le médiateur reste dissimulé. La présence de ce médiateur, par contre, est inlassablement dénoncée dans les chefs-d'oeuvre romanesques. C'est de la médiation que relèvent ce que Stendhal appelle vanité et ce que Jules de Gaultier, chez Flaubert, appelle bovarysme. C'est la médiation qui régit le mécanisme de la haine chez Dostoïevski, de la jalousie et du snobisme chez Proust, c'est elle, enfin, qui permet d'interpréter le masochisme et le sadisme. Les conséquences de la médiation s'aggravent à mesure que le médiateur se rapproche du sujet désirant et ce rapprochement engendre une dialectique qui éclaire aussi bien les analogies et les différences entre les grandes oeuvres romanesques que l'évolution historique vers les formes totalitaires de la sensibilité individuelle et collective.
La réflexion de l'auteur s'élargit donc en une méditation sur les problèmes de notre temps. C'est dans l'univers de la médiation que triomphent l'angoisse, la concurrence frénétique et les valeurs de prestige. Percevoir l'universelle médiation, c'est dépasser les psychanalyses et l'idée marxiste d'aliénation vers la vision dostoïevskienne qui situe la véritable liberté dans l'alternative entre médiateur divin et médiateur humain. C'est lire l'échec de la révolte prométhéenne non seulement dans les oeuvres littéraires mais dans un monde qui se laisse définir non pas par le " matérialisme " ou par " l'éloignement des dieux " mais par un sacré corrompu et " souterrain " qui empoisonne les sources de la vie.
Telle est la vérité à laquelle le romancier lui-même ne parvient qu'à travers l'enfer de la médiation. Il lui faut unir l'introspection et l'observation pour créer un Don Quichotte, un Raskolnikov ou un Charlus ; il lui faut donc reconnaître un prochain et un semblable dans le médiateur fascinant ; c'est dire qu'il lui faut mourir à l'orgueil romantique. L'écrivain meurt dans son oeuvre pour renaître romancier de même que le héros voit se dissiper ses illusions au moment de la mort. Marcel Proust, dans Le Temps retrouvé, dégage une signification éthique et esthétique commune à toutes les grandes conclusions romanesques.